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mercredi 16 septembre 2009

dans sa vitesse elle est invisibla à l'œil nu



ce texte, lu lors de l'exposition de février 2009, agir c'est lent dormir c'est vite, avait été écrit à l'occasion d'une exposition de françoise pétrovitch au centre d'art du parc saint léger et lu lors du vernissage. il se réfère aux "wall drawings" rouges de françoise, peintures murales de plusieurs mètres de haut, et à son installation de centaines de petites sculptures de céramique qu'elle a intitulée jetés hors d'eux mêmes, titre lui-même choisi en rappel de mon texte jeté hors de lui même… ce texte a paru dans le n° 16 de la revue semaine, 2007, consacré à cette exposition.

(françoise devant la révérence, 2007, dessin mural, 565 x 255, parc saint léger, pougues-les-eaux)

dans sa vitesse elle est invisible à l’œil nu : une figure bougée qui vibre trop vite pour être perçue. c’est un colibri capturé par la lumière stroboscopique et on a décalqué son contour sur le mur. la petite fille s’essaie à quelques postures dans l’éternité provisoire de son enfance mais tout le monde se souvient qu’entre les arrêts sur image elle se précipite en criant dans le jardin saute à cloche-pied derrière le palet de la marelle enchaîne les roues sur la pelouse court si vite grimpe si haut que rien d’elle n’impressionne la pellicule. oui mais elle sait aussi se ralentir à volonté. elle décélère au frein moteur mime la vie à très bas régime : un ralenti extrême à la limite de la taxidermie avec rétines en boutons de bottine. pour se rendre manifeste elle suspend sa vitesse. elle l’épingle au mur et la plaque à plat. elle s’applique par transfert mural à la lévitation (c’est une décalcomaniaque). résumons ce chapitre illusion d’optique : elle modère progressivement ses allures naturelles décompose ses mouvements en images/seconde ou moins pour se mouvoir en saccades lentes — maintenant elle commence à apparaître — puis elle se condense et prend forme comme une solution précipite. belle prise. au détour d’un détourage elle s’immobilise. une ligne cousue de fil rouge l’enlace de son lasso la lie et ligote les polypes excroissances greffes et appendices de la demoiselle. docile elle accepte la laisse et garde la pose : elle s’expose (dans une imprévisible et nécessaire image de volume nul). la décélération sur place est très violente. elle met à mal l’instable cohésion corporelle des filles : et la voilà jetée hors d’elle-même étalée dans l’étendue happée par l’espace grand ouvert. expulsée exposée comme n’importe quelle res extensa et bâtie à plate figure elle se retrouve placée en suspend entre terre et ciel sol et plafond. elle se retire à la surface à même la paroi de la grotte et s’absente engourdie dans un coma vigil. mais dans son indifférence même elle diffère. diffère d’elle-même indéfiniment. s’espace s’écarte en se déployant pli épaulant pli côté coudoyant côté elle présente tous ses profils de face et se latéralise en à-plats reportés déportés d’elle même. à mesure elle abandonne ses abatis se sépare de ses parcelles et se retranche dans le dehors — vaste et vacante comme lui. (dehors se répètent les morceaux du dehors[1]). au cours de ce ralentissement vertigineux le corps se disjoint s’écartèle. comme autrefois Osiris il se démembre. il se sépare de lui-même activement laisse tomber mues et dépouilles. il se sépare et s’éparpille dans chacun de ses nombres miettes poussière débris pollinisés qui poudroient maintenant accrochés dans la lumière. articulations balbutient jointures se dégondent. tenons et mortaises tendons et prothèses s’expulsent mutuellement. viscères quittent leurs logements dents se déchaussent orteils appareillent alvéoles s’envolent écartent la cage thoracique rotules ricochent têtes de fémur se déhanchent font le mur. on dénombre : un bras détachable un cœur excisé avec ses raccords un pied désassorti une oreille trouvée sur le trottoir après l’attentat un œil autonome et sans paupière et de la rosée lacrymale en gouttelettes de vif-argent. tous fragments ne se touchent pas mais s’attirent et se repoussent se maintiennent dans la distance et dans l’air comme les ex-voto épinglés sous les voûtes des chapelles. membres viscères organes par morceaux se désamarrent dérivent et flottent en fragments incontrôlables[2] dans l’espace qui les suspend. puis se disposent à nouveau selon diverses configurations mais sans plus jamais faire corps : agencent une constellation fugace de corpuscules autarciques un amas d’objets stellaires en expansion centrifuge — comme un essaim s’exaspère. et pour le corps qui se disperse dans cet étoilement de molécules il y a alors un grand soulagement. ce beau désordre qui libère la matière organique et la redistribue la restitue à la totalité cette défaite se fait dans l’allégresse d’une dilatation jusqu’aux dimensions du monde — et ainsi à l’heure de notre mort.
m. c. gayffier © 2007

[1] Israël Eliraz, « Comment entrer dans la chambre où l’on est depuis toujours », José Corti, 2003

[2] Idem



françoise pétrovitch : jetés hors d'eux-mêmes, 2007, grès émaillé, 210 x 250 cm, 234 pièces, production Parc Saint Léger, photos L. Pastureau ©




lundi 7 septembre 2009

agir c'est lent, dormir c'est vite, contre-événement

le "contre-événement" de agir c'est lent, dormir c'est vite (ou agir c'est l'an, dormir s'évite), rituel dans les expositions "MomentsArt" chez christian aubert, a lieu en fin d'après midi le dimanche 22 février.
antonin hoang (sax alto et clarinette) et matthieu bloch (contrebasse) interprètent deux thèmes d'Ornette Coleman, pleins de lenteurs et d'accélérations, lorraine et the sphynx



lorraine
(vidéo de marie marfaing)

lecture de quelques textes, dont dans sa vitesse elle est invisible à l'œil nu, écrit et lu pour une exposition de françoise pétrovitch au Parc Saint-Léger, centre d'art contemporain de Pougues-les-eaux.

ensuite, une petite chanson fredonnée, si lent ce récit (paroles m.c. gayffier, musique hervé legeay & m.c. gayffier) accompagnée par les deux musiciens,.

et, pour finir, tenir debout ça t'apprendra à voir plus loin que l'extrémité de ton groin, un texte déjà lu à l'unisson avec marie marfaing en ce même lieu, à l'occasion d'une exposition de françoise pétrovitch; cette fois, la voix est doublée par la clarinette :


(cliquer sur l'image pour lire le texte)



tenir debout ça t'apprendra à voir plus loin que l'extrémité de ton groin
(vidéo de marie marfaing)


quelques photos prises à cette occasion par julien gawor :





dimanche 6 septembre 2009

agir c'est lent, dormir c'est vite


fin février 2009, à l'invitation de christian aubert, amateur et collectionneur d'art contemporain qui propose généreusement, trois jours par mois, l'espace de son appartement à un artiste, j'installe de la peinture dans toutes les pièces mises à ma disposition (voir le plan ci-dessous), dans une tentative de montrer toutes les vitesses de la peinture, — sa foudroyante lenteur.


dans l'entrée un amas de peintures sur toile et sur bois, entassées à même le sol…


ruissellement sur place huile sur toile ou bois, 2007-2009
au dessus :
neige cathodique acrylique et graphite, sur isorel, 52 x 50, 2005
orage en ligne huile, acrylique et graphite sur komacel, 50 x 48, 2005



dans le salon, vitesse du sombre, une toile sans châssis de 7 m de long pose un délicat problème d'accrochage puisqu'il est impossible de clouer ou d'agrafer…


vitesse du sombre pigments sur toile, 2009, 120 x 700

elle est accompagnée, entre autres, de deux grandes peintures issues de l'exposition avis de précipitations, neige de loups et multiplicités blanches :


neige de loups huile sur toile, 2006, 195 x 145


multiplicités blanches huile sur toile, 2006, 110 x 140


condensation huile sur toile, 2006, 80 x 75

précurseur sombre est prolongée par tout arrive tout se précipite, une vidéo insérée dans une petite toile, déjà montrée dans avis de précipitations




dans le bureau, la série de peintures sur bois, 7 surfaces improbables, ainsi que diverses publications dont pour marthe wéry, sept exercices d'admiration


7 surfaces improbables tech. mixte sur bois, 2009, 40 x 40 chaque




dans la salle à manger deux grandes peintures sur papier, yo et stairway to heaven :


Yo tech. mixte sur papier, 2005, 87 x 116





stairway to heaven tech. mixte sur papier, 2005, 150 x 240

vendredi 4 septembre 2009

vitesses du paysage



dans l'exposition Les grandes vacances (juin-juillet 2009, à la Maison d'art Bernard Antonioz), la distraction 5 : la carte michelin est un texte tiré du petit livre vitesses du paysage (texte et photos m. c. gayffier, © 1999-2006).
j'ai eu l'occasion de lire ces textes lors du vernissage de l'exposition avis de précipitations (avec anne catoire, galerie L'école buissonnière, 2006) en dialogue avec la musique improvisée par hervé legeay (guitare électrique), antonin hoang (sax alto) et matthieu bloch (contrebasse)

(cliquez sur chaque image pour lire le texte)

























jeudi 3 septembre 2009

lagune, lacune



15-18 mai 2009 : ouverture de l'atelier à l'occasion des portes ouvertes de Belleville.

début du travail de peinture sur plexiglas épais, dessus-dessous, dans une tentative de rendre compte de l'"inframince" épaisseur de la surface et du jeu qu'offre son dédoublement :


lagune, peinture sur plexi, 25 x 30, 2009 (collection particulière)


lacune, peinture sur plexi, 25 x 30, 2009 (collection particulière)

d'autres tentatives sont moins abouties, mais l'idée sera reprise plus tard



figuraient, entre autres, à l'accrochage :


échafaudage jaune, tech. mixte sur toile, 80 x 100, 2009


un collectionneur norvégien, des plus fidèles, repart (en avion !) avec :


précurseur sombre, tech. mixte sur toile, 110 x 140, 2009

et :


hommage à G. R., huile sur bois, 40 x 40, 2009

rousse, huile sur bois, 40 x 40, 2009


gel, huile sur bois, 40 x 40, 2009


et puis une vénézuelienne du Texas entre en coup de vent dans l'atelier, se dirige résolument vers une peinture qu'elle achète sur le champ, cash, et embarque, en moins de 10 minutes !


neige cathodique, acrylique et graphite sur isorel, 52 x 50, 2005

quelques jours plus tard, elle m'adresse une photo de la peinture accrochée dans sa chic maison de Houston…




un été à Nogent : les grandes vacances (5)




sur la table rouge,

distraction 6 : l'accident



(cliquez sur l'image)

et

distraction 7 : la chanson

un été à Nogent : les grandes vacances (4)



sur la table bleue

distraction 3 : se souvenir

aller dans la famille ancienne, dans le pays d’autrefois, chez les grands parents les grands mères qui attendent dans leurs massifs anciens, central ou armoricain, aller vers l’ancien temps, vers l’enfance de ses parents, aller vers les débuts du monde, vers les maisons sans confort, l’eau à tirer à la fontaine au puits, le lavoir le linge lourd l’eau glacée, les cabinets en planches puants au-dehors asphyxiants au dedans, les mouches, la nuit tombée tôt l’ampoule faible, le beurre rance dans le placard le fromage de chèvre dur comme un caillou les cagettes de pêches de vigne qui parfument le garde-manger, les animaux inquiétants, les mouches, le cochon dans la soue, la soupe du cochon, le cochon dans la soupe, les vaches lentes aux cuisses plaquées de bouse, les mouches, les chiens grands comme des veaux surgis au détour d’un chemin tel le loup de la fable et alors il faut courir un pain de deux sous chaque bras, les genêts qui pètent au soleil, les libellules frôlant la rivière, le torrent les truites froides qui se laissent prendre à la main engourdies, les buses fixées au ciel leur cri répercuté par les montagnes, l’orage qui menace la cueillette de fraises des bois, le refuge dans l’obscurité lourde des sapins où se tient le silence, le silence coupant sifflant de la montagne, le dur soleil, le vent du soir « la montagne devint vi-yolète » la vaillance pour toujours inutile de toutes les petites chèvres aux sabots noirs-zé-luisants, le papier tue-mouches, les roues de charrettes cerclées de fer qui assourdissent les cailloux du chemin, l’odeur de grésil des bœufs leurs grands cils calmes sous le torchon qui ombrage leur front, les mouches, les montagnes de foin où tomber s’étouffer à plaisir, les chaussettes blanches du dimanche, l’église miniature froide et sonnante sous le grégorien aigre remâché par les vieilles de dessous leurs foulards, le choc paresseux des boules de pétanque à l’heure de la sieste, les soirées d’ennui rêveur sous les chiures de la lampe, les petits chevaux les dames, pas les échecs pas la radio, la crapette la bataille le loto, l’ennui, la fatigue du jour les brûlures du soleil, la rituelle promenade vespérale sur la route goudronnée jusqu’au grand rocher qui domine le ravin où tout le village vient déverser ses ordures, le ciel formidablement étoilé, la chanson reprise en canon pour braver la peur du noir, l’humidité ascendante qui prend les mollets le frisson du retour à la maison si petite sous la nuit verticale, le grincement des volets que l’on tire enfermant au dehors le grésillement des grillons le grésillement des étoiles, le silence qui bourdonne aux oreilles et les yeux grands ouverts dans le noir s’emplir du souvenir du torrent qui poursuit dans la nuit des temps son creusement obstiné jusqu’aux froides enfers, qui appelle qui mugit sa clameur dans la tête des enfants, — endormis tout d’un coup au beau milieu de leur terreur même, sans qu’ils sachent comment ils ont réussi à traverser la nuit pour que ce soit déjà le matin, éblouissant, inoffensif et l’on pense à nouveau que le monde est habitable à l’homme que l’on pourra dévaler la pente des prés gorgés d’eau en sautant les rigoles, en faisant jaillir les sauterelles les criquets jaunes et verts et gras les grenouilles minuscules et on trébuche emporté de vitesse, on déboule dans un champ d’orties, on crie, on brûle de partout : on est vivant.

et

distraction 5 : la carte michelin



(cliquez sur l'image pour lire le texte)


distraction 4 : le canevas


est disposée sur un petit fauteuil de camping.
("Tu te languis, petite ? Fais ton canevas…")